Modulean - Les chantiers en site occupé

Connus pour leur coordination complexe, les chantiers dits “en site occupé” sont pourtant ceux qui jouissent d’une organisation millimétrée où le Lean s’exprime du début à la fin grâce aux clients ; les usagers.

Site occupé ?

Le terme « site occupé » désigne les travaux qui s’effectuent alors que le bâtiment est toujours en usage. On peut citer comme exemples :

  • Une rénovation d’un bâtiment de logements.
  • Une extension d’un centre hospitalier.
  • Une rénovation énergétique d’un établissement scolaire.

On a recours à cette typologie lorsque que l’on ne peut / veut pas interrompre le flux d’activités du bâtiment à rénover.

Pour des logements il s’agira surtout d’un flux d’usages de confort à ne pas perturber vis à vis des locataires ; maintien de l’électricité, de l’eau, du chauffage, d’un état de propreté et maîtrise des nuisances sonores.

Dans un hôpital, il faudra en plus veiller à ne pas perturber le flux de personnes en maintenant une accessibilité totale munie d’une parfaite signalétique.

Enfin, dans une école, il faudra veiller à ne pas perturber le flux d’utilisation des salles en fonction de leur taux d’occupation ou des différents événements (examens, vacances, portes ouvertes…).

Dès lors, il devient impératif pour l’entreprise qui va réaliser les travaux de supprimer ou de largement diminuer les nuisances qu’elle va causer vis-à-vis des activités courantes des occupants. En d’autres termes, sur ces chantiers c’est la satisfaction client qui rythme le travail.


Conséquences sur le cadre du chantier

Ne pas perturber les usages tout en réalisant des travaux change fondamentalement la gouvernance d’un chantier. Ce n’est plus le coordinateur qui donne le rythme et les entreprises qui exécutent, ce sont les contraintes des occupants qui dessinent l’organisation à mettre en place et le coordinateur qui facilite les interventions pour une meilleure efficacité des entreprises. Voici quelques règles d’or qui entrent alors en vigueur :

  • Il sera demandé, vis-à-vis des usagers, une grande clarté dans l’information communiquée mais également un suivi, un traitement et une adaptation personnalisé.  
  • La prévision des travaux va être poussée dans la précision. Il sera demandé une grande anticipation sur plusieurs semaines et une fiabilité avec un respect impératif à la journée ou à la demie journée.
  • Les entreprises devront avoir un flux de travail ininterrompu pour être rentables sur de petits travaux. Dès lors que ce flux ne sera plus garanti, elles n’auront pas intérêt à attribuer des ressources de travail qui ne seront pas productives.
  • Les nuisances causées par les travaux vont être remontées très rapidement par les usagers et leur répétition va directement mettre en péril la continuité du flux de travaux.
  • Les collaborateurs qui devront gérer le chantier ne pourront pas tenir dans la durée si la gestion de cette complexité se traduit par des efforts supplémentaires permanents à fournir.
  • Le client final, garant du cadre de ses usagers, sera très précis et exigeant dans ces demandes pour lesquelles il faudra être réactif et efficace. De la fluidité de ces échanges témoignera l’organisation cohérente qui aura été mise en place.

Il faudra donc pour l’équipe travaux savoir changer ses habitudes et utiliser ces contraintes comme source d’inspiration et de réflexion en matière de pilotage pour mieux répondre aux besoins du contexte.

Voici listé ci-dessous quelques thématiques de travail à approfondir dans le cadre d’opérations de ce type.


La connaissance du terrain (le genba)

Différence majeure entre la réhabilitation et le chantier neuf ; le chantier existe déjà ! C’est un atout si on l’observe bien avant de démarrer son opération. 

Classiquement, on effectue sur ces opérations un état des lieux ayant pour objectif de formaliser l’état avant travaux des zones, mais c’est aussi le moment d’identifier les points singuliers qui vont venir poser problème à votre déroulement normal des opérations :

  • Pour du logement : meuble à démonter, logement encombré, problème d’ordre social sortant du périmètre travaux, horaires particuliers à respecter…
  • Pour un lycée : Matériel à déplacer, mobilier gênant, horaires de travail spéciaux…

Une bonne évaluation de la variabilité du terrain vous permettra de maîtriser la qualité de réalisation de vos travaux.

Exemple : pour une réfection complète du système de chauffage d’un lycée un principe le passage des réseaux en plancher a été défini sur plan projet matérialisant les points de traversées. Une visite terrain sur site à permis de distinguer que 20% des traversées n’étaient pas réalisables telles que projetées pour des raisons diverses (plans existants faux, poutres sous plancher, présences de mobilier non déplaçable…). L’analyse de toutes ces singularités a permis de définir 3 traitements standardisés en consentement mutuel avec l’équipe projet (OPC, maître d’ouvrage, MOE et entreprise) : la mutualisation de réseaux pour suppression de la traversée, le dévoiement local du point de traversée, le déplacement du réseau de chauffage.


L’ordonnancement et l’analyse des tâches (le process)

Sur un chantier de réhabilitation on dispose classiquement de plans existants représentant l’ouvrage dans son état actuel, et de plans projetés représentant le futur après travaux. Grâce à ces 2 visions, le conducteur de travaux va pouvoir imaginer les étapes de transformation de l’espace vers sa configuration finale. Il devra définir chaque étape et y associer temps de travail et nombre de personnes.


Au delà des aspects techniques, d’autres questions inhabituelles se posent alors pour décider du meilleur ordonnancement et du meilleur découpage :

  • Quel est l’ordre des tâches qui, tout en garantissant une qualité optimale, génère le moins de nuisance ?
  • Dans quel état je veux laisser les travaux à la fin de la journée ?
  • Que dois je communiquer en amont pour faciliter ce travail ?
  • Si j’étais usager y a t il quelque chose qui me choquerait ?
  • Y a t il un service supplémentaire que je dois associer ?

Ces questions sont déterminantes, car elles sont directement en lien avec les causes de perturbation du flux usager.

Exemple : Pour de l’embellissement de logements, une configuration particulière de logement générait 2 jours sans lavabo dans la salle de bain. En effet, celui-ci était d’abord démonté, puis la faïence était réalisée, enfin un lavabo neuf était posé. Pour cette configuration particulière 2 meubles lavabos sur roulettes ont circulé pour permettre aux occupants de conserver l’usage d’un lavabo.


La planification (lissage, flux tiré, flux pièce à pièce)

La particularité du site occupé c’est que l’on doit souvent se coordonner avec l’usager pour disposer d’une zone de travail et donc déterminer le meilleur moment pour intervenir. La gestion du temps, de l’espace et du travail à effectuer deviennent alors les paramètres à maîtriser pour gérer l’opération. Un cas d’école tout droit sorti de chez TOYOTA :

  • Maîtriser sa charge de travail c’est d’abord connaître sa charge de travail. Impératif pour cela d’intégrer dans la réflexion de cette charge les entreprises pour faire concorder le projet de réalisation de travaux avec la réalité.
  • Rater un créneau d’intervention est synonyme de voir la porte fermée pendant une durée incertaine, donc inconcevable. Il faut donc être là le jour J et que tout soit prêt, le lieu, le matériel, les matériaux et la main d’œuvre. Obligation donc de mettre en place un planning de charge avec des données précises et sur la base de celui-ci piloter à rebours communication usagers, commandes, adéquation charge / capacité.
  • Ne pas finir ce que l’on démarre peut venir perturber le flux de travaux planifiés plus tard. Il faut donc, chaque jour, progresser dans les zones de travaux sur un rythme cadencé et uniforme pour toutes les entreprises de manière à avoir un encours de zones de travaux le plus petit possible. La pire situation est de démarrer partout sans savoir quand on va finir.

Un planning de charge bien réalisé permettra de répondre à chaque usager ; quels travaux ? quels jours ? pendant combien de temps ? Il donnera une vision sur plusieurs mois,c’est la base d’un chantier serein.

Exemple : Sur un chantier de 250 logements avec un programme d’embellissement à la carte par logement, il a fallu organiser les interventions des entreprises avec la difficulté d’une charge de travail variable d’un logement à l’autre selon les corps d’états. Un planning de charge a été mis en place sur lequel on pouvait jouer sur les temps d’attente entre corps d’état pour ainsi équilibrer les charges de travail journalières sur une semaine. Établi sur 2 mois, celui-ci à notamment permis de fiabiliser les capacités à fournir en main d’œuvre par les entreprises.


La gestion des problèmes et l’amélioration du système (kaizen)

Après une journée d’intervention il est rare, que tout se soit passé comme prévu, bien souvent les équipes rencontrent des particularités, des demandes, pour lesquelles “ils vont voir”. Ainsi, on récupère souvent, “un petit réglage de rien du tout”, “une demande particulière », “un problème qui va se régler pour lequel on va revenir vers le client”. Tous ces sujets sont des cailloux qui vont venir progressivement dérégler la machine s’ils ne rentrent pas dans un processus de traitement.

Il faut partir du principe que chaque problème doit être traité avec attention et intégré dans le flux de travail.

Pour amorcer cela, il faut d’abord formaliser les problèmes, les rendre visible sur un tableau au milieu d’une pièce ou sur un gestionnaire de flux informatique dédiée à ça.

Puis il faut réfléchir à un processus de traitement, c’est-à-dire un circuit systématique dans lequel le problème va d’abord être posé, analysé puis résolu.


De même votre processus de production peut présenter des défauts qui vont vous être mis en avant d’une manière ou d’une autre. La plus grande difficulté est de les percevoir, on a souvent tendance à penser que les gens sont pénibles et à partir de là, difficile de remettre en question son système. Pour cela une bonne méthode, si cela vient de l’usager il y a quelque chose à faire !

Exemple : Un sur chantier de logement à embellir, nous avions remarqué que vers 11h nous recevions des coups de fils de locataires qui, ne voyant pas les ouvriers venir, souhaitaient quitter leur logement pour diverses raisons. Suivant les contextes nous devions alors composer avec les problèmes induits. Nous avons alors constaté que notre flux de travail quotidien mêlait à la fois des logements vacants pour lesquels les locataires nous avaient confiés les clefs et d’autres occupés par des locataires qui attendaient les travaux. Nous avons dès lors prioriser le flux de travail sur les logements occupés en début de journée pour terminer le flux de travail par les logements vacants. Les appels pour ce motif sont devenus occasionnels.


La communication / La réactivité (la recherche du standard, les routines, les SMED)

La difficulté lorsqu’on produit un effort constant c’est de tenir dans le temps. Pour tenir, il ne faut pas regarder la quantité de travail qu’il reste à fournir mais la liste jusqu’à la prochaine étape.

Une de mes plus grandes craintes sur un chantier de logements était de ne pas avoir une vision claire de ce qui était fait / en cours / à faire et, par ricochets, de plonger mes collaborateurs dans un désengagement à force d’efforts répétés sans retour une situation maîtrisée.

Nous nous sommes alors lancé une ligne de conduite : “chaque jour, en ouvrant le bureau, nous devons être en capacité de lancer nos ouvriers en 15 minutes sur le travail à réaliser dans la journée autour d’un café dans une ambiance de travail conviviale.”

Il nous est alors apparu clair que nous devons pouvoir éditer chaque jour des fiches par lot énumérant des tâches standardisées à effectuer par logement et que ces fiches seraient distribuées et expliquées le matin aux ouvriers. Une sorte de routine de lancement de production.

Pour pointer le réalisé, ces mêmes fiches nous seraient remises en fin de journées par les ouvriers indiquant si un problème avait été rencontré pour l’une des ces tâches. Ainsi nous aurions un feed back du réalisé et des problèmes.

Toutes les fiches seraient conservées en guise de mémoire.

La mise en place de ces fiches est devenue le standard de travail. Les ouvriers attendaient  les fiches et pendant la routine matinale, prenaient les informations et commençaient à imaginer l’organisation à mettre en place en fonction des travaux réels à effectuer.


Conclusion

On retrouve en site occupé tous les ingrédients d’une démarche Lean. Ce fonctionnement est catalysé par les occupants qui agissent comme un andon en faisant remonter chaque problème immédiatement.

La recherche permanente du flux constant, de la réduction du lead time, de l’implication des ouvriers, de la gestion des problèmes et de la connaissance du terrain sont les clefs pour un chantier serein en site occupé.

Alors ? Vous aussi vous faites du Lean sur vos chantiers en site occupé ?

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